Quelques clés pour aborder l’Art de la fugue de Bach
Ecrivant durant les dernières années de sa vie alors qu’il perdait progressivement la vue, dans l’Art de la fugue Bach a voulu mettre en valeur tous les aspects de la technique d’écriture musicale du contrepoint, de façon exhaustive. Cette oeuvre représente une incroyable prouesse artistique, comportant douze fugues et deux canons construits tous à partir d’un thème unique. Surtout, l’Art de la fugue fait la démonstration des immenses possibilités expressives et esthétiques de cette forme, exploitées de manière insurpassable par l’écriture de Bach. Pourtant, le composituer a dû faire le constat que son public de l’époque se détournait de cette forme de contrepoint. Perçue au départ comme une oeuvre “pédagogique”, l’Art de la fugue n’a pas été jouée en entier pendant presque cent ans après le décès de son auteur.
Le manuscrit étant établi sur quatre portées indépendantes, certains musicologues pensent que Bach destinait l’oeuvre à des combinaisons d’instruments, comme par exemple un consort de violes. Toutefois, elle est entendue le plus souvent aujourd’hui sous les doigts des claviéristes, pianistes, clavecinistes et organistes. En outre, l’ordre des mouvements habituellement entendu n’est pas non plus d’origine, Bach n’ayant pas laissé d’indication à ce sujet.
Une connaissance approfondie de l’analyse musicale n’est pas indispensable pour apprécier ces fugues et même pour les jouer avec plaisir, d’autant qu’elles sont écrites avec une très grande liberté de forme et de style. De plus, le contrapunctus no 1 joué à MusEA le 29 septembre 2024 correspond peu à la forme traditionnelle de la fugue. Par contre, le contrapunctus numéro sept (que nous jouons aussi) présente une certaine complexité formelle. Ici, l’instrumentiste gagnerait à étudier les aspects formels, ne serait-ce que pour mieux repérer chaque énoncé des différentes variantes du thème, pour identifier la hiérarchie du discours musical entre chaque voix et, enfin, pour comprendre la structure d’ensemble.
Pour appréhender le concept de “fugue” en général, la présentation de l’Art de la fugue sur le site de la Philharmonie de Paris constitue une ressource précieuse et facile à aborder.
Et pour aller plus loin, nous recommandons la partition en couleurs permettant de repérer la déclinaison de chaque épisode du contrepunctus 7 par José Rodríguez Alvira: https://www.teoria.com/en/articles/kdf/VII/ _lg=fr-FR. Ce site nous montre que la pièce est constituée de neuf parties : sept “stretti”, un bref diverstissement et un coda. Un stretto est une technique où les reprises du thème (ou la réponse au thème) sont très rapprochées, celui-ci commençant à une voix avant qu’une autre ait terminé). Le site de J.R. Alvira nous aide aussi à identifier les inversions du thème (moments où les intervalles entre les notes sont inversés), ainsi que les augmentations et les diminutions (lorsque la durée des valeurs des notes est plus longue ou moins longue). C’est justement tout l’intérêt et la beauté de ce Contrepunctus 7 que de jouer (ou plutôt de laisser Bach jouer avec nous) en se laissant surprendre par l’articulation de chacune de ce variantes du thème qu’il a su inventer. Pour une analyse plus détaillée en français et toujours en couleur sur la partition, nous signalons aussi les travaux de Claude Charlier dans Bach en couleur (prix indiqué sur le site musicologie.org: 30 euros).