Le Quintette à vent
Flûte, hautbois, cor, basson et clarinette : voici un quintette à vent. Une formation moins connue que le quatuor à cordes, mais qui intéresse un nombre croissant de compositeurs à partir du XXè siècle.
Anton Reicha (né à Prague en 1770, mort à Paris en 1836) est considéré comme le père de cette forme. Mais, bien sûr, ce « genre de musique entièrement nouveau », selon l’expression de Reicha, n’est pas apparu ex nihilo. Les harmonies napoléoniennes, les Harmoniemusik à la cour de Joseph II, qui regroupaient des instruments à vent souvent par paires, jouaient des musiques militaires ou de circonstances. Au début du XIXè siècle, avec les progrès de la facture instrumentale, des compositeurs, dont G.M. Cambini (1764-1825) écrivent pour une formation nouvelle : 5 instruments à vent solistes. Mais ce sont les 24 quintettes écrits par Reicha à partir de 1811 et le 9 quintettes de Franz Danzi, écrits entre 1820 et 1824, qui établissement fermement ce nouveau genre. Ce qui n’empêche son éclipse relative pour le reste du XIXè siècle.
Le quatuor à cordes et sa sonorité homogène règne alors en maître sur la musique de chambre. A l’inverse, dans un quintette à vent, il suffit de comparer le son et les possibilités de la flûte et du basson, ceux de la clarinette et du cor pour comprendre qu’il faut soit réussir à concilier cette hétérogénéité de timbre, d’émission, de registre, soit l’exploiter.
L’hétérogénéité en vedette
Dans un premier temps, jusqu’au milieu du XX° siècle, c’est la recherche d’équilibre et de fusion qui prédomine, ce qui ne produit pas réellement de chefs d’œuvres.
Puis, à partir du milieu du siècle précédent, on découvre et revendique l’hétérogénéité. En 1924, Schönberg explose le quintette, en fait un jeu, une discussion, d’une très grande virtuosité. Il s’agit de sa première œuvre dodécaphonique, dans laquelle l’individualité des timbres valorise les motifs et plans sonores.
L’humour fait irruption, avec par exemple Opus n° zoo de Luciano Berio, où les musiciens jouent des sons d’animaux et racontent des histoires. Il n’est pas non plus absent des deux cycles de György Ligeti, les Bagatelles et les 10 pièces, œuvres majeures du répertoire des quintettes à vent.
Progressivement, toutes les techniques contemporaines sont convoquées : multiphoniques, son fendu, clusters d’harmonique, mélange voix-son, percussions de clés, sons éoliens etc.
« h », de Heinz Holliger, qui tourne autour de la note si (h en allemand), exploite le mélange voix- instrument, les multiphoniques, les frottements en quarts de ton, le souffle dans le son.
Sans parler de retour à la recherche d’homogénéité, certains compositeurs ont conçu le quintette comme un seul instrument, un « méta-instrument ». Le début de la première des 10 pièces de Ligeti en est en bon exemple, qui évoque un instrument électronique.
Et les amateurs ?
On le voit, le répertoire du quintette à vent devient véritablement intéressant avec la musique « contemporaine », même si le quintette de Schönberg est centenaire ! Difficile d’accès pour des musiciens amateurs. Doivent-ils pour autant renoncer à ce répertoire ? Non. Les opus de Reicha restent de la musique intéressante. Des œuvres peu connus attendent les amateurs, comme la Pastorale d’Amy Beach ou Three Shanties de Malcolm Arnold. Il existe de très nombreuses transcriptions pour cette formation, qui mettent en valeur les caractéristique des instruments. Nombre d’entre elles sont conçues pour les étudiants. On peut citer des transcriptions de l’Adagio pour 2 clarinettes et 3 cors de basset de Mozart, des Divertimentos de Haydn ; plus près de nous, Peer Gynt de Grieg ou les Danses anciennes hongroises de Farkas. De quoi se faire plaisir. Et à MusEA nous avons la chance de bénéficier des conseils de Violaine Dufès hautboisite et directrice du Quintette Le Concert Impromptu.
Martine Kis
Bibliographie :
Denis Le Touzé et Emmanuel Reibel (sous la direction de) : Le quintette à vent des origines à la floraison du genre ( Editions Symétrie).
YouTube
Chaîne du Concert Impromptu
https://www.youtube.com/@LeConcertimpromptu
Quintette à vents – concert éducatif – Ensemble intercontemporain
https://youtu.be/WDqjMs3Swto?si=s6FfW2NYIUTt1SgO
Franz Danzi : Quintette à vent op.56 n°1. https://youtu.be/J227hiJXLMU?si=Hin98cifT8SE2nxv
Anton Reicha : Quintette à vent en mi bémol majeur op. 88 n°2 https://youtu.be/5Iw1SBhyDmk?si=iqRJUwAehfyL4MH9
Arnold Schönberg : Quintette à vent op. 26 https://youtu.be/VUEj5q43nec?si=78uk_Klcg2VziQhg
Heinz Holliger : « h » https://youtu.be/R2BnMZLn2U4?si=Bx5ZB2bLZGNnMRYR
Ligeti : 10 pièces https://youtu.be/YKri9CEYUpo?si=P8quJg4l756LKQEu