Le cor de basset, une clarinette à redécouvrir
Le cor de basset ne fait pas partie des instruments les plus courants, ni chez les professionnels, ni chez les amateurs. Il s’agit pourtant, ni plus ni moins, que d’une clarinette en fa (1). La clarinette préférée de Mozart.
Inventé en 1770 par les frères Mayrhofer, il a été perfectionné par Anton Stadler, ami et frère de loge de Mozart, comme il s’en vante sur l’affiche ci-jointe. Sa sonorité sombre, chaude et veloutée dans le grave et le medium, sa brillance dans l’aigu et sa tessiture de plus de 5 octaves en font un instrument particulièrement chantant. « Je pense qu’aucun instrument ne s’accorde mieux avec la voix humaine que le cor de basset », a écrit Brahms dans une lettre à Clara Schumann.

Mozart a écrit pour lui les phrases les plus expressives du Requiem, l’a introduit dans la Marche des prêtres et l’air de Sarastro de la Flûte enchantée. Ses Nocturnes et Divertimenti réunissent clarinettes et cors de basset. Ses trios pour cor de basset sont typiquement de la musique maçonnique : forme de l’instrument évoquant un triangle, trois instruments à égalité, récurrence de la tonalité de mi bémol majeur avec trois bémols. Un certain nombre de compositeurs moins connus écrivirent pour cor de basset, jusqu’à Mendelssohn et ses deux magnifiques Konzertstücke pour clarinette, cor de basset et piano.
Pourquoi ce nom ?
Pourquoi de nom de cor de basset, corno di bassetto en italien, basset horn en allemand ? Il viendrait de sa forme, arrondie à l’origine, proche de celle d’un cor, et de sa tessiture rappelant le violoncelle, appelé basset au XVIIIè siècle en Allemagne et en Italie.
Ne pas le confondre avec la clarinette de basset, clarinette en si bémol ou en la prolongée qui, au lieu de s’arrêter au mi, descend jusqu’au do, ce qui permet de jouer le concerto pour clarinette de Mozart sans transposer les notes les plus graves.
Cor de basset de la fin du XVIIIè siècle.
Déclin et résurrection
Vers le milieu du XIXè siècle, le cor de basset avait quasiment disparu. Plusieurs raisons à cela : difficulté de jeu d’un instrument encore peu perfectionné, sonorité trop discrète pour l’orchestre romantique, concurrence de la clarinette basse, récemment inventée.
Au XXè siècle pourtant, Richard Strauss l’introduit dans plusieurs opéras, tels Elektra, La femme sans ombre, Le chevalier à la rose… Dans l’écriture contemporaine, une grande exception : Karlheinz Stockhausen, qui a exploré toutes les possibilités de l’instrument dans ses œuvres écrites pour le clarinettiste Michele Marelli. Boulez a également exploité la richesse harmonique du cor de basset.
Enfin, l’américain Karl Hinze a écrit une œuvre pour cor de basset et piano, accessible pour les amateurs.
Le cor de basset trouve aussi sa place dans les quatuors de clarinette, où il joue le rôle de l’alto, ainsi que dans les orchestres de clarinette.
Avec les progrès de la facture instrumentale, même les amateurs peuvent tirer parti des possibilités mélodiques de ce magnifique instrument. Espérons que les compositeurs d’aujourd’hui le redécouvrent et écrivent pour lui
(1)La clarinette, comme le cor ou la trompette, est un instrument « transpositeur ». Ceci signifie que lorsqu’une clarinette en fa joue un fa sur sa partition, c’est un do de concert qui est émis. Il en va de même avec la clarinette en si bémol, mi bémol, la… Plusieurs raisons à l’existence des instruments transpositeurs. A l’origine, pour des raisons de facture instrumentale et acoustique, ces instruments à vent ne pouvaient pas jouer de gammes chromatiques. Ils ne pouvaient donc pas jouer dans toutes les tonalités. D’où la fabrication d’instruments correspondant aux différentes tonalités. Avec les progrès de la facture, les clarinettes peuvent jouer dans toutes les tonalités. Mais les doigtés de certaines gammes sont complexes. En outre, des instruments de dimension différentes permettent d’aller du très grave au suraigu. Mais, impossible de tous les accorder sur une gamme de do majeur. Ce sont donc les partitions qui sont transposées, afin de ne pas avoir à apprendre des doigtés différents pour chaque instrument, ce qui serait très complexe.
Martine Kis
Exemples musicaux
Mozart: Trios pour cor de basset par le Trio Lotz sur copies d’instruments anciens https://youtu.be/7YVoIu7-qx0?si=cES1ytHDmNHlu4ux
Felix Mendelssohn: Konzertstück n°1 op. 113
https://youtu.be/-VHk-xEooNs?si=aKD_9uUvod6QwJgH
Stockhausen: EVAs SPIEGEL + SUSANI for basset horn https://youtu.be/FQEPZiQ9O2U?si=aEPR4K9jmsRNKj85
Karl Hinze : Interlude Vidéo et partition https://www.karlhinze.com/music/interlude/